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Compte rendu de la soirée du 16 mai 2017

Article du | 24 aout 1944 |
Film qui rend compte de la révolution espagnole, instant de tous les possibles. Le peuple espagnol, paysans et ouvriers, s’empare des moyens de productions et de la terre pour créer des collectivités et inventer une redistribution équitable des biens selon les besoins. Hélas l’expérience est écrasée, non pas par les troupes de Franco mais par celles de la république, dirigée de main de fer par les staliniens du Komintern, représentés au gouvernement par des hommes à eux et des conseillers soviétiques. Le rêve s’éteint dans une flaque de sang. Les descendants demandent des comptes, dans le débat qui s’ensuivit.

LAND AND FREEDOM / TIERRA Y LIBERTAD 109mn. Film de Ken Loach (1995). Une production : Diaphana films.

Il n’est pas 17h15 que le public commence déjà à se répartir dans la salle de l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris. Nous sommes en train de régler les derniers détails et de tester la clé où Daniel a mis l’intervention d’Edgar Morin à propos du stalinisme fossoyeur d’hommes et d’idéologie surtout s’il s’agit de révolutionnaires capables d’inquiéter sa mise en scène de parti respectable.

La salle est comble, le personnel à l’entrée s’inquiète même de la possibilité de tous à trouver un siège. Mais tout se passe à merveille ! Le film de Ken Loach n’a rien perdu de son sens historique, de la justesse de ton pour relater l’expérience des collectivités paysannes. Il se fait limpide et révélateur lors du conflit entre les communistes d’une part et les anarchistes alliés aux partisans du POUM, [[Parti Ouvrier Unifié Marxiste, Deux organisations communistes le BOC : le Bloc Ouvrier et Paysan et la Gauche Communiste, fusionnent. Le Congrès d’unité, tenu à Barcelone le 29 septembre 1935 a concrétisé cette convergence d’analyse. Le Parti Ouvrier d’Unification Marxiste a pour but essentiel l’unité révolutionnaire de la classe laborieuse, préalable indispensable au triomphe de la révolution démocratico-socialiste ]], d’autre part. Il nous invite à approfondir l’histoire corsetée dans le terme « Républicanos ». Peut-être que ce film doit son actualité à, comme le dit Francis Pallares: —Je crois que, comme pour « Missing » de Costa-Gavras (Chili de Pinochet), comme pour « La Historia oficial » (Argentine de Videla) de Luis Puenzo, cela tient au procédé narratif qui est similaire : on part d’un protagoniste « innocent » qui est dans le « mauvais » camp et qui, peu à peu, découvre la vérité par sa propre expérience. Le cinéaste évite ainsi l’écueil d’une fable simpliste, dichotomique qui s’imposerait le « choix » entre « bons » et « méchants ». »

Ensuite, dans un silence rempli d’émotion, Daniel Pinos présente les intervenants :

Cristina qui est la fille Carles Albert Simó Andreu et petite fille d’Andreu Nin et de Maria Baget Andreu, ([[enseignante et anarchiste, Maria Baget Andreu née à Reus en 1881, Professeur d’école et anarchiste. Maria et Andreu se sont rencontrés à Barcelone où Nin vivait depuis Octobre 1910 et où il milita dans les rangs du PSOE (parti socialiste ouvrier espagnol) puis à la CNT. C’est très probablement l’école Horaciana qu’André et Maria, se rencontrent. Leur relation va durer une dizaine d’années. Cristina Simó, la petite-fille dit : « Cela n’a pas été une relation très facile, à cause du caractère des deux, du moment historique, de leurs idées et parce que mon grand-père faisait de nombreux allers et retours en prison, etc … » En 1915, de cette relation, est née sa première fille, Maria Antonia Simó Andreu. La famille vit au 16 rue Lancaster, à Barcelone. En 1917, Nin rentre d’une année de déplacement et leur relation reprend. Carles Albert nait en 1918. Andrès et Maria ne se sont jamais mariés. Et les enfants ne prirent pas le nom de famille du père. Carles Albert est le père de Cristina. Nin parti en URSS, Maria a épousé en 1927 Ismael Simó, qui reconnaît les enfants de Maria et André et, leur donne son nom]]). Cristina, loin de revendiquer une filiation qu’elle attribue au hasard, tire sa légitimité de ses propres actes, de ses recherches sur la véritable histoire de son pays et des gens qui le peuplent. Ses investigations passent évidemment par ce grand-père, Andreu Nin ([[1892-1937; Enseignant et journaliste catalan. Secrétaire national de la CNT anarcho-syndicaliste avant Octobre 1917. Rallié au communisme, il part pour Moscou et devient dirigeant de l’Internationale Syndicale Rouge. Nin participe à l’Opposition de 1923 aux côtés de Trotsky, s’éloigne puis retourne à l’Opposition Unifiée. Il est alors exclu du P.C. et expulsé d’URSS en 1930. Revenu en Espagne, Nin transforme l’Opposition de gauche en Izquierda Comunista qui s’intègre au Parti Ouvrier d’Unification Marxiste en 1935, dont il sera le secrétaire. En 1936, il condamne les procès de Moscou et propose de donner asile à Trotsky en Espagne. Mais son entrée au gouvernement catalan provoque la rupture entre les deux hommes. Kidnappé par les services de Staline, Nin est torturé et assassiné après les journées révolutionnaires de mai 1937 à Barcelone]].) sauvagement assassiné et le poids de ce qu’elle n’a pu apprendre de lui, à cause de la chape de silence qui ensevelit l’Espagne depuis 80 ans. Elle ne peut que se souvenir des propos de son père : « Andreu n’était pas ce qu’on appelle un bon père, mais il avait une personnalité si forte et si captivante qu’on ne pouvait qu’être à ses cotés !  » Mais Le père de Cristina, pilote de l’aviation républicaine durant la guerre, meurt dans un accident d’avion sur l’aérodrome de Sabadell en 1969. En plus de l’immense chagrin qui s’abat sur la famille, un grand vide les saisit car il avait promis de tout leur raconter à la mort du dictateur. Aussi avec courage et abnégation, elle a poursuivi son chemin de mémoire, y a découvert le combat des femmes en même temps que celui des militants du POUM lâchement exterminés et trainés dans la boue. Voir sur notre chaine le film de l’intervention de Cristina, réalisé par Eduardo Granados Reguilón https://www.youtube.com/watch?v=9GDIdABR9BE&feature=youtu.be



Frédéric Pierrot ([[Naissance 17 septembre 1960 (Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine – France) C’est aux États-Unis que Frédéric Pierrot s’émerveille sur le monde du spectacle. De retour en France, il travaille comme machino sur les plateaux de cinéma et prend des cours de comédie. En 1989, il tourne dans La Vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier, grand nom du cinéma français avec lequel il tournera (Capitaine Conan en 1996, Holy Lola en 2004). Depuis il entame une carrière avec les plus grands et les plus engagés tels que Jean-Luc Godard For Ever Mozart ou Bertrand Blier Mon homme. En 2011, il participe au film choc de Maiwenn Polisse dont l’interprétation lui vaut une nomination au César 2012 du Meilleur acteur dans un second rôle lors de la 37e Cérémonie Des César 2012.]]) : Acteur de conscience qui a tourné non seulement dans Land and freedom dirigé par Ken Loach, mais également dans Capitaines d’Avril de Maria de Meidero, qui traite de la « Révolution des Œillets » en avril 1974 au Portugal. Frédéric a une belle carrière derrière lui et un chemin d’espoir sous ses pas. Il nous contera avec sensibilité et humour le tournage avec Ken Loach. Grâce à lui, nous avons pénétré dans cet univers secret du plateau. Découvert que ken Loach est le plus grand improvisateur qui soit et qu’il choisit ensuite ses plans parmi la foison qui s’offre à lui. Nous avons appris comment des paysans, des curieux, des acteurs de l’histoire réelle se sont retrouvés mêlés dans l’aventure de ce film. Frédéric nous avoue avec humilité qu’il fut impressionné par ces méthodes de tournage, par les relations d’amitiés qui se nouèrent entre toute l’équipe à cause du metteur en scène qui les laissaient un peu dans l’incertitude et la recherche. Nous rions un peu peinés quand il nous raconte comment l’acteur qui découvre qu’il tient le rôle du renégat, s’est caché derrière les camions du tournage pour pleurer, meurtri d’être le traitre. Mais surtout, il nous dit avoir appris des faits historiques jamais évoqués. Frédéric captive l’auditoire. Nous avons redécouvert l’histoire non dite : « Plus généralement, le film de Ken Loach a eu un impact quand il est sorti dans l’opinion. Et pourtant, pour beaucoup d’entre nous, c’était une histoire connue et archi-connue. Mais personne ne voulait l’entendre. Tout particulièrement en France, en Italie et en Espagne, le poids du stalinisme sur les médias, sur les journaux, sur l’intelligentzia (et tout particulièrement à l’Université), a été tout-puissant pendant des décennies. Et pourtant, il y en avait eu des « signaux » après la Guerre civile : assassinats de militants par la UNE dans les maquis et à la Libération dans le Sud-Ouest et à Toulouse, prisonniers espagnols de Karaganda, procès de Prague et de Budapest, procès Kravchenko, soulèvement de Berlin en 53, révolution hongroise en 56, liquidations internes au PCE, etc…. » (F. Pallares) Après le film nous avons toutes et tous écouté l’intervention qu’Edgar Morin, [[né à Paris le 8 juillet 1921. La guerre d’Espagne en 1936 et sa participation à la SIA, Solidaridad Internacional Antifascista marque son premier engagement politique. Inlassable défenseur de la liberté, aujourd’hui encore, à 95 ans, il prend part aux combats pour la liberté et la justice sociale.]] avait enregistré à notre attention, lui qui a côtoyé le milieu anarchiste et celui du POUM toute sa vie durant. Ami inséparable de Wilebaldo Solano Alonso [[voir article du site http://www.24-aout-1944.org/Wilebaldo-Solano-ou-la-quete-de-verite]]. Son intervention lève toute ambiguïté sur le sort effroyable subi par Nin et tant d’autres compagnons du POUM ou libertaires pour annihiler toute velléité d’instauration d’une république socialiste en Espagne.


intervention_f_pierrot_16_mai_17_land_and_freedom.mp3 (Intervention F Pierrot 16 mai 17 Land and Freedom)


Edgar Morin déclare que : « Cet épisode est un des moments les plus tragiques de l’histoire du 20e siècle. »

Épisode pourtant, dont personne ne veut tirer les leçons et attribuer les responsabilités. Vous pouvez retrouver cette intervention sur notre chaine télé , elle a été réalisée par notre compagnon et ami Victor Simal: https://www.youtube.com/watch?v=QkO7KacPQ3Y&t=33s



Il s’ensuivit un débat animé et enrichissant sur les thèmes de la révolution espagnole, des crimes franquistes et des crimes staliniens. Ces deux derniers à des degrés différents bénéficiant encore 80 ans après d’une impunité favorisée par le silence.

La salle de l'auditorium de la ville de PAris`
La salle de l’auditorium de la ville de PAris`
Intervention d'Edgar Morin
Intervention d’Edgar Morin
La parole à Frédéric Pierrot
La parole à Frédéric Pierrot
Le débat; intervention de Amada Pedrola Rousseaud
Le débat; intervention de Amada Pedrola Rousseaud
Le débat, intervention de Jean Estivill
Le débat, intervention de Jean Estivill
Le débat: intervention d'Alexandre Arribas
Le débat: intervention d’Alexandre Arribas
Le débat: un jeune Espagnol proteste contre el valle de los Caïdos
Le débat: un jeune Espagnol proteste contre el valle de los Caïdos

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